TSM : décryptage d’une stratégie de rebranding

La grande famille des acronymes de l’Enseignement Supérieur vient de s’agrandir. Ne dites plus IAE, mais TSM ! Accrochez-vous : d’abord IPA (Institut de Préparation aux Affaires) lors de sa création en 1955, devenu IAE de Toulouse dans les années 1970, l’établissement universitaire a décidé de renommer sa marque Toulouse School of Management. Pourquoi une nouvelle mutation ? Comment la gouvernance a-t-elle suscitée l’adhésion de sa communauté autour son projet ? Comment la marque s’imposera-t-elle sur un territoire qui compte déjà TSE (Toulouse School of Economics) et TBS (Toulouse Business School) ? Réponses avec Hervé Penan, un Directeur bien décidé à faire émerger son école dans la compétition internationale.

Quel a été l’élément déclencheur de ce rebranding ?

Nous avons fait le constat que notre établissement avait beaucoup évolué, que notre offre de formation et de  recherche a beaucoup progressé. Notre niveau est désormais international et nous nous projetons à 5 voire 10 ans. Notre stratégie est résolument internationale et nous cherchons à attirer les meilleurs enseignants-chercheurs et les meilleurs étudiants internationaux. Il nous a semblé que notre marque ne le reflétait pas assez et qu’il nous fallait la faire évoluer. L’enseignement supérieur est un marché de marques. Il faut y apporter une attention toute particulière et développer de nouvelles stratégies pour exister dans une compétition désormais mondiale.

La marque « IAE » ne vous semblait pas assez valorisante pour servir vos projets de développement ?

Les IAE ont beaucoup évolué et, bien qu’encore hétérogènes, ils proposent aujourd’hui une offre nationale de grande qualité. Mais notre visée est internationale et elle s’inscrit pleinement dans la stratégie de l’université dont nous faisons partie [université Toulouse 1 Capitole] qui comprend entre autres entités prestigieuses Toulouse School of Economics [présidée par Jean Tirole, Prix Nobel d’économie en 2014] et European School of Law. C’est ce modèle d’excellence universitaire qui nous inspire.

En effectuant une recherche, nous avons découvert que la marque Toulouse School of Management avait été déposée il y a près de 2 ans (décembre 2014). Le projet était-il déjà amorcé à cette époque ?

Effectivement la réflexion sur notre évolution était déjà à l’ordre du jour. Mais nous n’avions rien décidé, ni arrêté. Nous avions d’ailleurs déposé plusieurs autres marques. En reprenant mes fonctions de Directeur en avril 2015 [une fonction qu’Hervé Penan avant déjà exercée de 2000 à 2010 et quittée pour devenir conseiller auprès de la direction générale des Laboratoires Pierre Fabre], j’ai d’abord souhaité que nous travaillions sur le projet et sur nos ambitions avant de faire évoluer la marque. Ce que nous avons fait collectivement avec succès.

Quelle méthodologie avez-vous privilégiée ?

Une approche participative qui a duré près d’un an. Il était très important pour nous d’associer toutes nos parties prenantes à cette évolution. Nous avons donc profondément consulté nos enseignants-chercheurs, nos personnels administratifs et nos étudiants, ainsi que nos partenaires externes entreprises et institutionnels.

Avez-vous rencontré des freins lors de ces échanges ?

Non, tout le monde a été très enthousiaste à l’image de la cérémonie de lancement le 6 octobre qui a compté plus 1 200 participants ! C’est avec les diplômés qu’il nous a fallu le plus discuter, car ceux-ci sont attachés à leur diplôme ce qui est totalement légitime. Nous avons pris le temps de rassurer et de susciter l’adhésion au projet.

En dehors de l’hypothèse Toulouse School of Management, avez-vous envisagé de créer un nom moins académique à l’image d’AudenciaKedgeSkema, Néoma ou plus récemment de SCBS ?

Non, nous avons choisi d’aller à l’essentiel. Il nous fallait une marque simple. Qui peut dire ce que veulent dire les noms que vous citez ? Nous avons choisi de miser sur nos principaux attributs : la formation et la recherche en management. Cette notion est essentielle car nous ne parlons volontairement pas de business. Pour nous, le management des hommes et des femmes est à l’origine de toutes les réussites. Et nous avons bien sûr conservé le nom de notre ville, dont nous sommes très fiers. Toulouse est un des plus importants pôles d’enseignement supérieur français. Notre ville est reconnue internationalement pour sa richesse scientifique, technologique et économique. Notre nouveau nom reflète tout cela de façon évidente.

Mais ce nouveau nom ne risque-t-il pas de semer la confusion avec Toulouse Business School, une école directement concurrente ?

Non, je ne pense pas. Notre responsabilité est de fédérer autour de nous toutes les organisations qui veulent faire de la recherche en sciences de gestion. En ce sens, nous avons déjà un partenariat avec TBS [une collaboration étroite entre les deux institutions au sein de l’école doctorale Sciences de Gestion – TSM Doctoral Programme]. En ce qui concerne cette école que je respecte énormément, j’ai été le premier à parler de « coopétition ». Nous sommes certes concurrents sur la formation, mais avons de grandes choses à faire ensemble en matière de recherche. Nous réfléchissons même à de nouveaux partenariats comme sur l’executive education !

Concernant le logotype de votre marque, quelle a été votre démarche ?

Nous avons à la fois joué la continuité avec notre logo précédent, ainsi que la cohérence avec l’identité de notre université d’appartenance. Sur ce sujet aussi, nous avons choisi la simplicité et l’efficacité.

Quelle ambition se cache derrière votre nouvelle signature « The path ahead » [littéralement : le chemin à parcourir]  ?

Elle a pour nous plusieurs sens : le chemin qui est devant vous, le chemin qu’il vous reste à parcourir, le choix des possibles… et, implicitement, notre capacité à accompagner les destins. Nous en sommes fiers car elle porte notre vision. Nous sommes partis d’un grand benchmark des signatures des écoles de management européennes. Nous avons travaillé avec notre département marketing et impliqué nos étudiants dans la production de plus de 20 signatures possibles. Finalement, nous avons élu « The Path Ahead » qui avait été élaborée pendant un atelier entre enseignants-chercheurs et personnels administratifs. Son seul défaut c’est d’être un peu difficile à prononcer pour des français mais, encore une fois, nous visons aujourd’hui aussi des publics à l’international, souvent plus anglophones.

 

REGARDS CROISES :

François Bonvalet, Directeur Général de Toulouse Business School

Ce rebranding risque-t-il de faire de l’ombre à votre école ?

« Non, car ce nouveau nom ne fait pas de TSM une grande école de commerce au sens où on l’entend en France. Les étudiants savent faire la différence. A mon sens, les principaux critères sont de faire partie de la Conférence des Grandes Ecoles, de recruter une grande partie de nos étudiants auprès des classes préparatoires et d’avoir un politique très poussée  en matière d’accompagnement vers l’emploi et dans la structuration de son réseau de diplômés. Et les IAE commencent tout juste leur mutation et leur internationalisation, cela prendra encore du temps.  »

 

Jérôme Rive, Président de IAE FRANCE (réseau national des 32 IAE) et Directeur de iaelyon

Cette décision affaiblie-t-elle la marque IAE ?

« Ce n’est pas mon avis. Le réseau des IAE est tout sauf un espace de contraintes. Je trouve cela très sain, car nos établissements sont vivants. Pour moi, IAE FRANCE n’est pas notre marque mère, elle n’a pas été conçue pour dicter des directions à suivre. Ce qui compte, c’est l’appartenance au réseau, bien au-delà des marques. »