11h11 – La Newsletter Du Mois De Campus Com – Édition « La science sur Twitch »

Bienvenue dans la cinquième dimension édition de 11h11 et toute première newsletter de 2023. Au programme du jour, Twitch et vulgarisation scientifique… ou comment la science peut se raconter autrement et sur de nouvelles plateformes plébiscitées par les nouvelles générations. Un grand merci à Raphaël Lachello et Mikaël Chambru, enseignants-chercheurs de l’Université Grenoble Alpes qui soulèvent bien plus que des montagnes avec le projet Chercheures_de_Montagnes.

1# Quand on pense à « Twitch », on pense plutôt à des streamers (=vidéastes) sur des jeux vidéo qu’à des chercheurs universitaires ! Comment vous est venue cette idée ?

Raphaël Lachello : Lors du second confinement, une nouvelle session de cours en visio se profilait… avec des étudiants (pas tous !) derrière leurs écrans pour leurs TD, alors que dans les faits, ils étaient en pyjama dans leurs canapés. Il était donc nécessaire de développer de nouvelles méthodes pour les captiver. Je me suis demandé : qu’est-ce que mes étudiants regardent sur leurs ordinateurs dans leur canapé ? Des lives Twitch (entre autres) ! J’ai alors commencé un véritable travail d’acculturation à la plateforme pour en saisir les codes. Je m’en suis inspiré pour adapter mes cours sur Zoom. Le concept a tellement marché qu’à la fin du semestre, Théophile Chauvin, l’un de mes étudiants m’a demandé en fin de cours : « Monsieur, quand est-ce que l’on vous voit sur Twitch ? ». 

Un an plus tard, j’ai contacté Théophile et nous avons créé la chaîne Twitch Chercheur.e.s de Montagnes (CdM). Notre premier stream (= diffusion d’un live) a été lancé en direct de ma chambre en novembre 2021. J’ai pris le rôle de « pitre scientifique » face caméra, tandis qu’il joue le rôle de caution culture Twitch en voix off ! 

L’objectif de CdM est que les enseignant·e·s chercheur·e·s et des étudiant·e·s de l’Université Grenoble Alpes (UGA) vulgarisent eux-mêmes leur quotidien et leurs pratiques de travail. Notre infrastructure et notre équipe support permettent à des enseignants-chercheurs de streamer régulièrement sans que cela leur rajoute une charge de travail trop importante. L’idée est que la recherche soit vulgarisée par ceux qui la font en créant des « chercheur·e·s-streamers ». Mais encore faut-il trouver des collègues prêts à le faire !

Mikaël Chambru : De mon côté, c’est Raphaël qui est venu me chercher à l’occasion d’un projet de recherche en Maurienne (au sud de la Savoie) auquel nous participions tous les deux. Je connaissais peu Twitch. J’ai vu l’exercice comme une occasion de sortir de ma zone de confort d’enseignant-chercheur, de me confronter à un autre public, à d’autres normes de communication… une pratique qui me semble indispensable en tant que formateur de futurs professionnels de la communication/médiation scientifique.

R.L. : L’arrivée de Mikaël était symbolique pour nous : c’est le premier titulaire (maître de conférences) à animer un stream sur CdM. Comme il est à la fois spécialiste de la médiation scientifique et coordinateur du Labex ITTEM — Innovations et transitions territoriales en montagne, son profil correspond parfaitement à notre ligne éditoriale. Il incarne le parfait « chercheur·e·s-streamers ». Il a rapidement intégré les codes de Twitch, qui relèvent du divertissement. Il a compris que nos viewers (= spectateurs qui peuvent intervenir sur le tchat) viennent pour se détendre avant tout et que c’est grâce à notre travail de vulgarisation, qu’au détour d’une blague, ils en apprennent plus sur notre quotidien.

2# Racontez-nous comment se passe un stream de Chercheures_de_Montagnes…

R.L. : Même si tout a l’air très simple en stream, produire des contenus de vulgarisation sur Twitch demande un certain savoir-faire et de la préparation.

Il faut créer un format qui reprenne des concepts utilisés sur Twitch, que l’on applique à nos travaux. C’est le rôle de notre pôle éditorial dont Théophile Chauvin, étudiant en master Design des transitions, est désormais le responsable.

Nous préparons chaque stream à l’aide d’un script que l’on appelle un « runner ». Il constitue un fil conducteur assez souple, pour éviter que l’on ne soit pas clair dans notre vulgarisation. Enfin, notre pôle communication, dirigé par Amandine Khun, une étudiante en master de Communication et Culture Scientifique et Technique, s’occupe de la promotion du stream en question. 

Nous réalisons 3 streams hebdomadaires (entre 8 et 12 h de contenu). Pendant le live, le streamer est associé à un étudiant, qui prend le rôle de co-streamer : celui-ci représente notre audience, il veille au respect des codes de Twitch et à ce que tout reste bien compréhensible. Streamer s’apparente à une performance d’acteur sur scène. Ça demande parfois beaucoup d’énergie. 3 heures de stream, selon moi, équivalent à 3 heures de cours en termes de fatigue !

Une fois le stream terminé, nous débriefons les audiences, sur ce qui fonctionne ou non. Nous revoyons une grande partie de nos streams afin de trouver des axes d’amélioration. L’enjeu principal étant l’équilibre à trouver entre vulgarisation et divertissement. Nous estimons qu’il nous faut 2 à 6 h de travail par heure de stream produite. 

3# Qu’est-ce que cette plateforme apporte de plus qu’une autre en matière de vulgarisation scientifique ? 

M.C. : Le format live permet aux viewers d’intervenir dans le déroulé et d’être directement impliqués, il apporte de l’horizontalité dans le partage des connaissances. Cette horizontalité autorise de nouvelles possibilités créatives qui permettent de toucher de nouveaux publics. Par exemple, en décembre dernier, nous avons décidé, en partenariat avec la MSH-Alpes et le labex ITTEM, d’utiliser Twitch pour vulgariser un colloque international auprès d’un public étudiant peu intéressé par la pratique. Nous avons donc streamer les deux jours du colloque en nous inspirant des événements e-sport diffusés sur la plateforme. Nous avons ainsi créé le format intitulé la « Ligue des Chercheur·e·s et des Sciences » (LCS) qui consiste à commenter le colloque comme un événement sportif. 

Des trios de commentateurs (composés de chercheur·e·s et d’étudiant·e·s) se sont relayés pour relater, expliquer, décrypter les présentations des intervenant·e·s, interagir en direct avec le public et lui proposer des interviews originales et décalées. 

R.L. : La LCS illustre bien ce que Twitch peut apporter par rapport à d’autres plateformes : montrer la science en train de se faire. Le fait que nous streamions à partir d’un ordinateur, l’outil de travail numéro un de n’importe quel chercheur, nous permet de montrer nos recherches en action. Par exemple, il m’arrive d’écrire des parties de ma thèse en live, d’analyser des archives historiques avec nos viewers ou encore de produire des cartes en direct. Au début, ça demande beaucoup de courage, mais cela crée des contenus de vulgarisation inédits et pertinents. Je suis convaincu que ça fait de nous de meilleurs chercheurs.

Côté projets, nous allons bientôt réaliser des lives « In Real Life » (= dans la vie réelle), où nous allons emmener nos viewers directement sur nos terrains de recherche. Nous avons déjà effectué un test dans une conférence internationale en Autriche et un autre durant un atelier terrain de master. Ce type de format a beaucoup de potentiel, nous avons vraiment envie de le développer !

Question bonus : quels conseils donneriez-vous à un·e chercheur·se qui hésite à se lancer sur Twitch ?

R.L. & M.C. : Venez sur notre chaîne ! Nous vous donnerons plein de bons conseils ! Vous allez voir que les échanges sur le tchat sont extrêmement sympas et enrichissants. 

Merci à Raphaël Lachello – doctorant en histoire de l’environnement à l’Université Grenoble Alpes, membre du bureau exécutif du Collectif Perce-Neige et chercheur au Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes (LARHRA) ;

et à Mikaël Chambru – maître de conférences en sciences sociales à l’Université Grenoble Alpes, co-coordinateur scientifique du Labex Innovation et Transitions Territoriales en Montagne (ITTEM) et chercheur au sein du Groupe de recherche sur les enjeux de la communication (GRESEC).

Suivre Chercheur.e.s de Montagnes (CdM) sur Twitch :  https://www.twitch.tv/chercheures_de_montagnes

Suivre Chercheur.e.s de Montagnes (CdM) sur Twitter : https://twitter.com/cherch_montagne

Site web de l’Université Grenoble Alpes (UGA) :https://www.univ-grenoble-alpes.fr/

Le coup de cœur « Histoire » : 
DrPierre, et ses 2300 abonnés, est maître de conférences en histoire contemporaine, il reprend les codes de la plateforme à merveille et vulgarise ses connaissances sur la culture cinématographique étatsunienne. Son « à propos » résume bien le programme : livestream de conférences et de cours divers, sessions discussions autour de projections commentées (ciné-club) et autres joyeusetés autour du cinéma et de l’Histoire sociale / culturelle.
Découvrir la chaîne Twitch de DrPierre :
https://www.twitch.tv/drpierre

Le coup de cœur « News » : On ne le présente plus, et il officie depuis 2 ans sur Twitch ! Samuel Étienne, présentateur de « Questions pour un Champion », de la Matinale de France Info, apprenti streamer. Son projet : proposer une petite revue de presse, avec des bonnes ondes dedans. 
En savoir plus sur #LaMatinéeEstTienne :   https://www.twitch.tv/samueletienne

 

Le coup de cœur « Twitch qui ? » : Si vous entendez pour la première fois les mots Stream, Viewer, Follow ou Speedrun et que vous vous demandez bien de quoi on parle ici, n’hésitez pas à consulter ce lexique spécial Twitch très bien réalisé par le site web d’actualité sur l’informatique et le numérique Numerama !
Pour parler Twitch couramment :  https://www.numerama.com/pop-culture/788111-le-vocabulaire-de-twitch-explique-a-ma-grand-mere.html