11h11 – La Newsletter Du Mois De Campus Com – Édition « L’art du podcast »

Voici déjà la sixième édition de notre newsletter 11h11, et un numéro immersif et riche en partage d’expérience puisque nous allons discuter de podcast, de recherche, de sémiologie et de création. Notre invitée, Audrey Bartis, à la fois sémiologue, consultante, enseignante et ingénieure pédagogique et…podcasteuse, nous raconte la mutation d’un livre non édité en épisodes sonores. Ouvrez grand vos yeux et vos oreilles !

1# Racontez-nous comment passe-t-on de sémiologue de l’image à podcasteuse ? Quelle est la genèse de votre podcast « Incarnations. Le corps de l’image » et à qui s’adresse-t-il ?

Audrey Bartis : La sémiologie de l’image est ma formation universitaire et j’ai passé les 22 dernières années à appliquer ce fabuleux outil d’analyse à la stratégie de marque, tout en l’enseignant en parallèle dans des écoles de design et de management. C’est ce double parcours que je rassemble dans ce podcast qui comporte plusieurs séries.

En 2022, j’ai lancé un podcast intitulé “Incarnations. Le corps de l’image”. J’y explore le rôle du corps dans différents contextes, de l’art à la publicité en passant par le design et la technologie. Cette série de podcasts a été inspirée par un livre « Le corps du luxe : marques et territoires corporels » que j’ai écrit il y a plusieurs années mais qui n’a jamais été publié. Un jour, j’ai ouvert le carton dans lequel ce manuscrit dormait. Et à la relecture, j’ai eu envie de sauver ce travail qui prenait la poussière.

Il m’a fallu du temps pour savoir quoi en faire. Mais je sentais le besoin de me débarrasser de ce projet de livre en le partageant d’une autre manière.  Pour “Le corps du luxe”, j’ai utilisé l’un des deux manuscrits que j’avais écrit pour l’ouvrage non-publié. La série “Le corps de l’artiste” a débuté avec des textes également déjà écrits, notamment une longue recherche académique sur Gordon Matta-Clark, artiste américain des années 1960-1970 sur lequel je travaille depuis 2006. Pour les autres séries comme “Le corps de la technologie” ou “le corps noir”, qui sont en cours d’écriture, il s’agit de recherches sous forme de brouillons, d’analyses et de cartes mentales qu’il faut encore traduire en textes pour le podcast. “Le corps de la création”, la série la plus récente, est une grande évolution, puisque je passe du monologue au dialogue, avec une série d’interviews de designers et artistes sur le rôle du corps (des trois corps) dans leur travail créatif. C’est donc un objet en évolution constante.

J’avais initialement écrit le livre comme un outil pédagogique pour les étudiants en design, en publicité et en management. Le sujet du corps est présent dans toutes mes recherches et est un outil d’analyse central pour mes travaux en sémiologie de l’image. J’ai donc décidé de faire du corps le “fil rouge” de mon podcast.

Ce n’est pas seulement un projet pédagogique ou d’exposition de mon travail, c’est devenu très rapidement un espace de création à part entière. A sa sortie, plusieurs personnes très bien intentionnées sont venues me dire que mes introductions musicales étaient “trop longues”, que mes épisodes étaient “hors format” et je me suis surprise à leur répondre que je préférais suivre mon idée. Bien que je sois formée à l’analyse visuelle, je suis passionnée par la musique et considère le podcast comme un moyen de partager ce petit jardin secret. À chaque épisode, je rencontre évidemment des défis en termes de production, notamment dans la recherche de cohérence entre les différents sujets abordés. Le podcast est un objet en évolution constante qui me permet de m’exprimer librement et de façon créative, contrairement à mes autres activités professionnelles qui sont davantage soumises à des contraintes. Bien entendu, tout n’est pas parfait, mais j’apprends un peu plus à chaque épisode !

2# Vous parlez un peu de votre expérience au fil des épisodes… Nous y sentons même une ode à votre spécialité : la sémiologie. Votre contenu est riche et pointu, qui sont vos auditrices et auditeurs ?

A. B. : La dimension autobiographique est présente, même si elle ne s’exprime que par petites touches, car je ne suis pas le sujet de ce podcast. Me raconter permet de situer mes recherches et d’incarner ces travaux qui peuvent parfois être un peu denses ou abstraits. J’enseigne depuis 2002 à des designers de toutes les disciplines et forme aussi des designers confirmés à des outils de stratégie de marque et à la sémiologie. La sémiologie leur apporte beaucoup, notamment dans toute la phase de recherche en amont, puis dans la structuration de leurs idées et enfin pour la présentation de leurs travaux, notamment pour la précision et la cohérence des concepts. C’est aussi la raison pour laquelle ce podcast leur est essentiellement adressé, car apprendre à lire les images permet de comprendre leur profondeur, l’ampleur de leur action sur autrui et de maîtriser le sens de ce qu’ils et elles produisent.

Les retours les plus positifs sur ces épisodes de podcast viennent justement de personnes créatives : des designers, des artistes… Certains mélomanes aussi ! 

Ces contenus intéressent avant tout celles et ceux qui aiment prendre le temps de plonger dans des contenus pour 30 ou 40 minutes, car il faut accepter de se laisser prendre par la main, parfois dans des mondes inconnus. 

J’ai accepté dès le début que ce projet ne toucherait pas un large public. Cette liberté que je prends est forcément clivante. C’est un choix personnel et une sorte de ligne de conduite. Quand on sait très tôt qu’on ne plait pas à tout le monde, on arrive parfois à en faire une qualité ou un positionnement. La sémiologie est une discipline minoritaire dans les sciences humaines et dans les entreprises. Ce projet est aussi un manifeste pour une sémiologie à redécouvrir par la pratique et à réhabiliter dans la pensée contemporaine, par le plus grand nombre, car c’est un formidable outil d’autonomie et de prise de contrôle sur les images.

3# Concrètement, comment réalisez-vous votre podcast (écriture, recherche, musiques, montage, diffusion) ? Quel bilan faites-vous de cette expérience en termes créatif et humain ?

A. B. : Il y a plusieurs actions que je mène en parallèle, en continu, depuis le lancement de ce projet : la collecte sonore et l’écriture. Pour l’écriture, je transforme certains de mes écrits existants (articles, recherches, brouillons…) pour la diction. Autrement dit, je simplifie un peu les phrases pour qu’elles soient plus fluides à dire et adapte également la mise en page des textes écrits en mode « radio » lors de l’enregistrement. Pour la collecte sonore, qui est la partie du travail que je préfère avec le montage, je passe des journées entières sur des sites Internet de sons et musiques libres de droits. J’ai donc une banque de sons et de musiques collectés depuis un an, que j’utilise et que j’agrandis pour chaque épisode, car il n’y a aucune redite sonore dans mon travail. Je sélectionne une série de morceaux qui « sonnent bien », à mon sens, avec le sujet de l’épisode et fais des recherches supplémentaires pour avoir assez de choix. Tout est consigné dans un cahier, avec les durées de chaque morceau et les règles d’usage en Creative Commons. Ensuite, ou en parallèle, j’enregistre ma voix et nettoie les fichiers pour les monter avec la musique et les sons. Le montage de l’épisode prend plus ou moins de temps, selon l’inspiration. Il faut compter une semaine à dix jours de travail pour un épisode de 40 minutes, mais je ne compte pas vraiment mon temps ni ne me fixe d’objectifs.

Mon bilan est très positif aujourd’hui, même si ce projet a pris presque un an à trouver une petite audience fidèle et à intéresser plus de monde. Il m’a permis d’être contactée par des entreprises pour des formations et du conseil, ou de (re) nouer des liens avec des personnes créatives que j’apprécie pour des interviews, et c’est très stimulant d’avoir cette base de discussion pour de futures collaborations. Pour moi, c’est un espace de liberté et de propositions avant tout pédagogiques, c’est comme ma propre petite école… Dans laquelle tout le monde est bienvenu.

Question bonus : quels conseils donneriez-vous à des enseignants, enseignants-chercheurs, entre autres, qui ne se sont pas encore lancés dans l’aventure du podcast ? 

A. B. : Avant tout, c’est un travail qui demande du temps et de l’énergie, donc il lui faut un peu de passion et de plaisir, sinon cela devient rapidement une contrainte.

Il faut aimer partager ce qu’on aime et apprécier les travaux de minutie et de précision pour le montage. Cependant, j’ai aussi compris qu’il n’y a pas de forme idéale dans le podcast, et je conseille de l’aborder avec cette spontanéité-là. Les outils ne sont pas difficiles à prendre en main, il existe des formations gratuites et des tutoriels sur Internet. Le plus technique à acquérir reste le logiciel de montage sonore, mais on utilise finalement assez peu de fonctionnalités, ce sont surtout des réflexes à prendre. 

Les bénéfices les plus importants sont dans la création d’un espace de liberté d’expression et de visibilité de ses travaux, un espace pour rassembler des recherches qui restent à dormir dans des placards et qui pourraient être utiles à autrui. Mais pas seulement. Les podcasts peuvent surtout donner accès à ce que nous ne pouvons pas toujours partager en cours ou dans des formations professionnelles, comme un complément pédagogique. C’est parfait pour approfondir certains sujets ou faire des digressions intéressantes que les étudiants et étudiantes peuvent consulter à leur rythme, n’importe où. C’est un outil très intéressant pour les écoles, les universités et les professeur.e.s indépendant.e.s pour des programmes en blended learning ou plus simplement pour des compléments de programmes. Pour ma part, c’est la direction que j’emprunte actuellement pour mes formations et pour les cours de l’année prochaine, en concevant mes curriculums dès le départ avec une composante de podcast. Je développe en parallèle une offre d’ingénierie pédagogique à destination des écoles désirant se lancer dans l’aventure des contenus sonores.  

Suivre le podcast « Incarnations. Le corps de l’image » par Audrey Bartis : 
https://www.podcastics.com/podcast/incarnations/

En savoir plus sur Audrey Bartis

Le coup de cœur « Sciences » : 
Le podcast 7e Science, créé par Perrine Quennesson en partenariat avec Binge Audio et Sorbonne Université, propose une exploration mensuelle de la relation entre la science et la fiction à travers des films emblématiques du cinéma. Chaque épisode est animé par Perrine et un·e scientifique invité·e, qui analysent les thèmes scientifiques abordés dans le film et discutent de leur pertinence et de leur précision. Ce podcast fascinant offre une perspective unique sur la façon dont la science est représentée dans la culture populaire et comment elle influence notre compréhension du monde.
Découvrir le podcast 7e science  :
https://www.binge.audio/podcast/7escience

Le coup de cœur « Campus » : Bienvenue sur le podcast HEC Tunnels, un véritable voyage sonore au cœur de la vie étudiante et professionnelle d’HEC Paris. Grâce aux interviews d’Alumni et de directeurs de masters, de témoignages d’étudiants et de projets de césure passionnants, vous découvrirez tous les secrets de la vie sur un campus pas comme les autres. Le + : un podcast avec des anecdotes amusantes et riche de fun facts sur la vie étudiante à HEC. 
Écouter le podcast HEC Tunnels : 
https://open.spotify.com/show/2bi4RfTfQVqURcV82psbqR?si=5cf6adf6ab4c4430%C2%A0&nd=1

 

Le coup de cœur « Ovni » : Culture 2000 est un podcast de culture générale précis et drôle qui parle de tout et surtout des grands sujets historiques, géographiques, politiques et culturels qui ont façonné notre monde. Avec des épisodes d’une heure, Culture 2000 allie exigence du contenu, accessibilité de la forme et légèreté du ton grâce à une équipe, derrière le micro, qu’on pourrait écouter pendant des heures. Un vrai bon moment à passer, tout en se cultivant !
Pour doper sa culture G : https://culture-2000.lepodcast.fr/